Verger d’anacardiers de Yendéré Les villageois chassent les employés
Le 31 janvier 2012, les jeunes du village de Yendéré, localité située à une cinquantaine de kilomètres de Banfora sur la nationale 7 qui conduit en Côte d’Ivoire ont chassé les employés du verger d’anacardiers de leur village, objet d’un conflit foncier sur fond de corruption qui s’est exacerbé depuis le mois de janvier 2011. La bastonnade qui a précédé la fuite des employés a fait des blessés graves dont certains ont été conduits à l’hôpital.
Chaude matinée pour les employés du verger d’anacardiers de Yendéré ce vendredi 31 janvier 2012 ; eux qui ont été surpris en plein travaux par les jeunes du village las, disent-ils, d’attendre le dénouement du conflit foncier au sujet dudit verger et de voir la restitution des 508 hectares de terre au village. En effet, ces jeunes sortis en grand nombre et munis de pancartes ont fait une descente, musclée selon certaines sources, sur le domaine d’anacardiers pour exiger le déguerpissement des ouvriers. Ils ont sérieusement « maté » les employés qui y travaillent depuis quelques mois au compte d’un acquéreur resté jusque là inconnu des habitants de Yendéré. En clair, il faut dire que la population est opposée et rejette l’idée de la vente des 508 hectares de terre. Le responsable des jeunes de Yendéré, Tahéré Soma, que nous avons joint au téléphone a confié que les choses n’ont pas été du tout facile pour ces travailleurs qui ont d’ailleurs été les premiers à proférer des menaces tout en brandissant des machettes. « C’est en réaction à cette menace que nous les avons scrupuleusement battus et endommagé leur vélos avant qu’ils ne se décident à fuir » nous a dit Tahéré Soma qui précise que les superviseurs de ces ouvriers qui ont senti venir le coup ont décampé au petit matin vers 4 heures, abandonnant les employés à qui ils avaient pourtant laisser des consignes de travail. Cette bastonnade, indique le responsable des jeunes de Yendéré a fait deux blessés qui ont été conduits dans des centres de soins.
Informé de ce qui se passait à Yendéré, Abraham Dramane Soulama maire de la commune de Niangoloko à laquelle est rattaché Yendéré, s’est rendu sur les lieux et est parvenu, non sans difficulté, à ramener le calme au sein des jeunes en courroux. « Nous avons eu du mal à les contenir et je dois reconnaitre que cette fois les choses n’ont pas du tout été facile » nous a-t-il lui aussi dit au téléphone. Il sera plus tard rejoint par une équipe de gendarmes et au cours des échanges qui ont suivis, les jeunes de Yendéré, visiblement déterminés à récupérer leurs terres et qui entendent désormais surveiller permanemment le domaine, ont signifié au maire qu’ils ne veulent plus voir un seul employé dans le domaine d’anacardier. « Celui qui se fera prendre dans le champ d’anacarde court d’énormes dangers » ont-ils martelé.
Le verger aujourd’hui objet de conflit a été cédé il y a plusieurs années à un expatrié européen qui désirait y mener un projet d’exploitation de l’anacarde. Selon les habitants de Yendéré, un engagement a été pris entre ce dernier et les responsables coutumiers du village, le chef de terre notamment, pour dire que l’espace ne serait jamais vendu et que dès la fin du projet, il redevient la propriété du village. Mais, depuis plus d’une année, les habitants ont apprit que le verger, qui a été abandonné il y a longtemps par le projet anacarde, est devenu la propriété d’un homme politique établi à la capitale Ouagadougou. Ce dernier l’aurait acquis à coup de plusieurs centaines de millions avec la complicité d’un fils du village, Joachin Soulama, qui à son tour aurait tenté de corrompre le chef de terre avec une enveloppe d’1 ou 6 millions de francs CFA selon nos sources. D’ailleurs les pancartes que brandissaient les jeunes courroucés portaient des messages qui lui étaient hostiles. Etabli à Niangoloko où il dirige un commerce, Joachin Soulama tout comme les employés du verger, est désormais interdit de séjour dans son village natal Yendéré par les mêmes jeunes qui maintiennent qu’ils ont besoin de ce l’espace du verger d’anacardier pour d’éventuelles constructions d’infrastructures sociales et de logements. « Nous n’avons pas assez de terre ici à Yendéré martèle leur responsable. A l’Est du village, nous sommes limités par la forêt classée. A l’Ouest, il y a un cours d’eau que nous avons du mal à traverser en saison pluvieuse. Le projet anacarde, lui, est venu occuper la seule zone où nous pouvions construire des maisons d’habitation », raconte Tahéré Soma qui dit que comme le projet n’existe plus, le domaine comme indiqué au moment où on le cédait au blanc doit revenir au village.
Mamoudou Traoré